« La femme est l'avenir de l'homme »... et de la gauche ?

Le temps des femmes
D'Anne Hidalgo à Audrey Pulvar, en passant par Najat Vallaud-Belkacem, Christiane Taubira ou Carole Delga, plusieurs personnalités féminines semblent incarner, régionalement et nationalement, l'avenir d'une gauche unie. Réflexions.
Deux réserves _ au moins _ peuvent tarauder qui s'intéresse aux prochaines échéances électorales sous l'angle choisi ici, en l'occurrence le rôle crucial qu'occuperont sans nul doute certaines femmes dans l'optique d'un rassemblement des gauches.
Ces réserves, voire ces pudeurs, les voici. Un : est-il si urgent de se préoccuper des élections régionales et départementales prévues en mars 2021 et des présidentielles du printemps 2022 alors que le pays et le monde sont confrontés à une pandémie et à ses conséquences, notamment économiques ? Deux : mettre en avant le sexe (aurait-on dit jadis), le genre (dit-on plutôt désormais) des candidats déclarés ou supposés relève-t-il d'une forme de sexisme.
A ces deux questions, j'ai pensé que l'on pouvait répondre non.
Sexiste ou pas ?
Primo, en raison même de la nature des réponses apportées par l'actuel pouvoir face à la crise sanitaire (surtout celles qui relèvent de la « relance », de la répartition des efforts, de la politique liée aux services publics de la santé et de l'éducation notamment), les futures élections sanctionneront évidemment ces choix. Y compris les scrutins départementaux et régionaux, dans la mesure où les territoires et collectivités ont été parfois abandonnés en première ligne (souvenons-nous des commandes de masques, quand l’État réquisitionnait sur les tarmacs les colis commandés par des régions…). Et dans la mesure où, inversement, certains plaident pour davantage d'autonomie de ces dits territoires au détriment d'une politique nationale cohérente et non inégalitaire géographiquement. Il convient que les citoyens de ce pays ne soient pas défavorisés en raison de l'endroit où ils vivent. Une évidence qui ne l'est plus hélas…
Secundo, évoquer le rôle majeur que sont susceptibles de jouer certaines femmes, notamment, pour ce qui nous intéresse, à gauche, relève tout simplement de l'information. Dire ainsi que la maire de Paris Anne Hidalgo incarne désormais, aux yeux de beaucoup, une alternative crédible à même de rassembler tout ou partie de la gauche en 2022 est un constat. Pas une opinion ou un jugement.
Comme il tient aussi du constat de dire que depuis Edith Cresson sous le mandat de François Mitterrand puis la candidature de Ségolène Royal en 2007, unique femme à ce jour à s'être hissée au second tour d'une présidentielle, on ne peut pas dire que l'histoire bégaie.
D'aucuns, du reste, commencent à ironiser, suggérant un effet de mode, une sorte de coup marketing quasiment, pour que le fait même de se rassembler derrière une femme fasse illusion et cache en fait une forme d'absence de programme commun de front populaire, si l'on reprend en les associant deux formules de jadis…
Les historiens jugeront, les sociologues et les experts aussi, et il n'en manque pas pour pérorer sur les plateaux de télévision. Au-delà de la poétique formule de Louis Aragon remaniée un peu plus tard par Jean Ferrat (« L'avenir de l'homme est la femme » dans le recueil Le fou d'Elsa paru en 1963 étant devenu « La femme est l'avenir de l'homme » dans la chanson et l'album éponyme sortis en 1975), il est peut-être temps, pour les militants de gauche de tourner une page. Une vraie. De faire fi de certains préjugés, tout en assumant en cultiver d'autres : si le fait d'être une femme ne présuppose pas de posséder plus de qualités qu'un homme (on évite ainsi les poncifs de jadis : femme = maman = rondeur de caractère mais fermeté quand il le faut etc = davantage de sensibilités sur certains sujets de la vraie vie), il n'est pas idiot (nous semble-t-il) de penser que cela peut aider à mettre sous l'éteignoir des réflexes patriarcaux. Du petit père des peuples au père de la nation, on ne les compte plus, les politiques mâles de tous horizons qui consciemment ou non, jouent de leur virilité, de leur sens de la bonne gestion de père de famille ou de leur appétit de conquistador.
Bref.
Qui sont-elles ?
Voici donc, à nos yeux, plusieurs femmes appelées à jouer un rôle majeur, à gauche, dans les mois à venir.
Anne Hidalgo : réélue maire de Paris, conduisant une majorité de gauche plurielle comme l'on disait sous Jospin, elle parvient à assumer des choix qui ne ravissent pas tous les matins les habitants ou usagers de la capitale (notamment quelques éditorialistes germanopratins). Mais il est des mutations qu'il faut porter pour qu'ensuite, elles s'inscrivent comme incontournables. Réduire son action au développement des pistes cyclables est une ineptie, n'en déplaise à Stéphane Le Foll. Sur le logement, la sécurité, l'action sociale, en dépit de cadres législatifs parfois étroits, elle arrive, avec sa majorité, à faire bouger les lignes. C'est lent, car c'est Paris. Mais ça avance. Anne Hidalgo pourrait être demain une excellente candidate de la gauche en 2022. Elle a le sens du compromis. Elle ne renie pas ses valeurs. Au fond, si elle a un handicap, ce sera d'être trop parisienne pour les provinciaux. C'est pourquoi l'un de ses prédécesseurs, Jacques Chirac, avait cultivé son attachement à la Corrèze (où il avait été parachuté)…
Christiane Taubira : elle a dit non à une candidature, mais qui peut douter que devenue, presque malgré elle, une conscience de la gauche, respectée par toutes les familles de LFI à EELV en passant par le PC et le PS, elle n'aura pas, en 2022, un rôle clé à jouer ? A droite, on lui reprochera d'avoir été une ministre de la Justice laxiste (air connu), et dans les milieux conservateurs, même sans le dire, on l'associera toujours à la loi sur le mariage pour tous. Une folie pour les uns, une avancée majeure pour bien des autres, heureusement.
Depuis 2017, elle a su incarner à force d'interviews ou de publications une sorte de voix de la sagesse, de la tolérance, mais aussi une forme de réalisme pragmatique.
Carole Delga : Pour l'heure, son ambition se limite à solliciter en mars prochain le renouvellement de son mandat à la présidence de la Région Occitanie. Elle y conduit sans trembler une majorité de gauche qui sait innover (consultations citoyennes, politique volontariste en termes de transports, d'accès à l'enseignement supérieur, notamment), respecter des équilibres sensibles entre zones géographiques jadis concurrentes ou aux destinées en apparence éloignées (concurrence entre métropoles de Toulouse et Montpellier-Nîmes, problématiques singulières des zones littorales, de montagne, ou de départements plus ruraux comme l'Aveyron ou la Lozère…). Tout indique qu'elle partira favorite et qu'elle saura de nouveau faire l'union, même entre les deux tours. Question : un succès pourrait-il alors être synonyme d'ambitions plus larges ?
Audrey Pulvar : fraîchement élue adjointe à Paris, l'ancienne journaliste a annoncé sa candidature à la candidature pour conduire la gauche aux régionales. C'est osé. Mais c'est bien vu. L'époque est aux trajectoires rapides. Surtout quand on pose comme premier objectif d'initier la gratuité des transports en commun, un enjeu majeur on le sait dans cette région. Reste à sortir de Paris intra-muros et de ne pas donner le sentiment qu'on a choisi une femme parce que la sortante en est une, Valérie Pécresse. Encore que comme prête à celle-ci des ambitions nationales, ce peut être une carte !
Najat Vallaud-Belkacem : elle devrait en toute logique emmener la gauche aux régionales face à l'insupportable Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes. Fidèle jusqu'à la fin de son mandat à François Hollande, elle a su depuis 2017 adopter un profil à la fois discret mais pas effacé. Elle incarne à elle toute seule ce que Sarkozy nomma en son temps la France d'en-bas.
Celle qui a su se frayer un chemin sans être étourdie par les ors des palais. L'anti Dati en quelque sorte. Une victoire aux régionales serait un nouveau tournant pour elle. Mais cette fois, il faudra convaincre au-delà des villes où, a priori, elle a tout pour séduire.
-
Crédit photo principale Anne Hidalgo : A. Schneider83 sous licence Creative Commons. Autres crédits : profils Twitter.
Réagissez sur notre page Facebook ou via lesitedesgauches@gmail.com