Pleure, ô pays bien-aimé

Pleure, ô pays bien-aimé

Manif Cahors

A Cahors pour dire notre effroi

J'ai participé hier au rassemblement organisé à Cahors, près de chez moi, comme il y en a eu tant d'autres dans le pays. Déterminé mais sans illusion. Triste constat. Bientôt six ans après la tuerie de Charlie, tout reste à faire au pays des Lumières.

Il y a eu les attentats du printemps 2012 à Montauban et Toulouse, visant des militaires et des écoliers et enseignants juifs.

Il y a eu la tuerie de Charlie visant des journalistes et caricaturistes.

Il y a eu le Bataclan et les terrasses des restaurants voisins, visant des hommes et des femmes profitant de la vie et assistant à un concert.

Il y a eu Nice et des hommes, femmes et enfants assistant au feu d'artifice du 14 juillet.

Il y a eu des policiers tués parce que policiers, un prêtre tué parce que prêtre.

Il y a eu…

Et donc, vendredi, il y a eu un enseignant assassiné parce qu'il avait enseigné la tolérance et la liberté d'expression.

D'une pratique rigoriste de leur religion, depuis 20 ans, certains sont passés à des revendications visant à ce que la loi religieuse supplante celle de la République. Allant de créneaux horaires réservés aux femmes dans les piscines à la possibilité de ne pas assister à certains cours, en passant par l'interdiction de certaines publications, la non mixité des soins, on en passe.

Parce que le mal est profond, déjà ancien, cela fait 20 ans au moins que des hommes et des femmes de bonne volonté, serviteurs de la République, luttent pourtant au quotidien.

En première ligne...

Elus locaux, enseignants, policiers, associatifs professionnels ou bénévoles.

Ils ne sont pas assez soutenus. Et parfois livrés à eux-mêmes.

Ils ont à lutter contre des revendications qui ne peuvent être satisfaites dans notre pays. Notre pays dit des Lumières.

20 ans que les élites et les gouvernements hésitent, alternent discours non suivis d'effets (et de faits) ou silences gênés.

Pour exprimer sa révolte, jadis, on collait un poster de Che Guevara dans sa chambre. Désormais, on s'enferme trop souvent dans une religiosité exacerbée à défaut d'être en phase avec ce qu'elle recommande vraiment. Et parfois, on passe à l'acte. On tue.

La question qui se pose aujourd'hui n'est pas pédagogique. Elle est de faire en sorte que les préceptes religieux des uns et des autres ne soient pas considérés comme au-dessus de ceux de la loi commune. Les enseignants, les policiers, les élus locaux n'ont pas, seuls, la clé pour résoudre cette équation.

Et figurez-vous que je ne l'ai pas non plus.

On ne naît pas intolérant, on ne naît pas incapable que d'autres pensent autrement, vivent autrement tout en respectant les lois de la République.

Alors que faire ?

Je n'ai pas de solution. Je suis épouvanté, comme beaucoup. Mais j'ai peur que pour l'heure, nous soyons encore désarmés. Les services de renseignement permettent de déjouer des dizaines d'attentats. Mais pas tous. Certains élus, certains associatifs, certains enseignants arrivent à « sauver » quelques gamins et gamines ici ou là. Mais c'est trop peu. Et ce n'est pas de leur faute, évidemment.

Et quand bien même nous n'aurions plus à déplorer d'attentats, le problème resterait patent. Comment vivre paisiblement ensemble ? En neutralisant ceux qui propagent la haine et appellent au crime ?

Vaste programme. Ce n'est plus l'affaire de quelques-uns. Ce sont des centaines de milliers de personnes, dont des enfants endoctrinés, qui n'adhèrent pas à la loi commune.

Il faut reconquérir chacun. Un par un. Il y a du boulot.

Pour commencer, donnons à ceux qui sont en première ligne les moyens d'accomplir leur mission. Ce sera déjà beaucoup.